Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, Unités pastorales du Grand-Fribourg (FR), juillet-août 2020
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Durant ce temps de crise sanitaire nous avons tous dû faire face à des défis particuliers: télétravail, absence de travail, changement dans notre quotidien, dans nos engagements, dans nos relations aux autres et à Dieu… Nous avons demandé à quelques personnes de nos deux unités pastorales de témoigner de ce qu’elles ont vécu durant ce temps de confinement.

Pendant mon oraison, sainte Thérèse m’invitait à contempler les vastes espaces du Château intérieur. Le début a été un combat. Je me sentais confinée dans des événements douloureux. J’ai demandé à l’Esprit saint de me guider et une porte s’est ouverte sur le Château intérieur de mon âme, tout éclairé. Au centre se trouvait un trésor : la présence du Christ ressuscité, que rien ne pouvait altérer.
Il était tout lumineux et m’envahissait de sa paix, de sa tendresse. Sa Présence me disait : « Ne crains pas, je demeure au cœur de ta vie, de ton âme. »
J’ai senti, à ce moment-là, que mon être s’élargissait dans une grande liberté pour accueillir tous ceux et celles qui l’habitent et qu’il me donne à aimer. Il y avait aussi les anges, la Vierge Marie, mon ange gardien, les saints. Je suis entrée dans un temps de louange et d’action de grâce, en communion avec les membres du groupe d’Oraison et les communautés dans lesquelles je suis engagée. Merci Jésus !

En tant que catéchiste dans des classes de l’enseignement spécialisé et en 3H, je me suis retrouvée devant le vide et l’incertitude.
Les premières communions ont été reportées.
Il a fallu trouver des manières de manifester ma présence et ma solidarité aux enfants et aux familles, en veillant à ne pas surcharger l’enseignement à domicile et en m’harmonisant avec les collègues. Pour moi, il a été difficile de communiquer sans attendre de retour. La catéchèse en classe est un échange, je reçois plus que je ne donne. Cette nouvelle manière d’être présente, discrète, un peu frustrante, a été pour moi un temps pour réfléchir à l’importance de l’enjeu de la transmission de la foi aux plus jeunes, à sa grande difficulté et aux moyens à mettre en œuvre.
En tant qu’accompagnatrice au Service de catéchèse et en Pastorale spécialisée, j’ai eu la joie de rencontrer quelques groupes par vidéoconférence. Les circonstances ont fait que nous nous sommes exprimés sur notre foi d’une manière plus personnelle que d’habitude, ce qui m’a beaucoup touchée. Pendant ce temps de « retraite » forcée, il m’a fallu trouver un rythme, un cadre. La messe quotidienne avec notre pape François a été pour moi un cadeau. Je me suis sentie chaque matin en communion avec l’Église, le monde, avec tous mes amis proches et lointains qui priaient aussi à cette messe. Privée du « moteur » très puissant de la joie de transmettre et de partager, je me suis laissée apaiser et bousculer par ces homélies simples, profondes et percutantes.

C’était une période spéciale durant laquelle j’ai continué à travailler dans mon lieu de travail : l’église Saint-Pierre, la cure et leurs abords. Au gros du confinement, on ne voyait vraiment pas grand monde : mon collègue concierge, éventuellement une secrétaire, même pas chaque jour, et un ou deux fidèles venus se recueillir. Le stress était moins présent et il devenait possible d’accomplir les tâches qui ne sont jamais faites, celles que l’on remet toujours à plus tard ou aux rares périodes creuses de l’été. Pour moi, la suppression des messes impliquait une organisation du travail différente sur les sept jours, ce qui fait que je n’ai pas vraiment ressenti le confinement !
De façon plus générale, ce qui était frappant, c’était le calme. Moins de circulation, moins de gens en ville. Mais aussi davantage de familles avec enfants venues profiter des espaces verts jouxtant l’église. Comme une respiration dans un monde qui reprend le temps d’apprécier la beauté de son environnement quotidien et la valeur de ce temps si précieux qui, d’ordinaire, lui manque tant. Mais, paradoxalement, en même temps, on se rend compte qu’il manque quelque chose d’essentiel : d’une certaine façon, en cessant nos activités ordinaires, moi la préparation des messes, un autre les diverses activités ayant trait à sa profession, on a cessé de vivre pleinement. La vraie vie n’est plus là et elle nous manque. Comme nous manque cette eucharistie par laquelle chacun reçoit la Source de cette vraie vie…

J’ai 19 ans et je suis en 1re année d’apprentissage comme animateur socio-éducatif au sein du dicastère de la cohésion sociale pour la commune de Villars-sur-Glâne.
Pour moi, le temps de confinement a tout d’abord été une période d’incertitudes par rapport à la gestion de la situation. Quels impacts tout cela allait-il avoir dans mes activités et mes engagements concrets ?
Au niveau professionnel, je me suis retrouvé à la maison, la commune ne pouvant plus organiser d’activités d’animation. J’ai néanmoins pu prêter main-forte au service de livraison de courses à domicile organisé par la commune pour des personnes dites « à risque ».
Le groupe scout, quant à lui, a rivalisé d’imagination pour proposer de petits défis à réaliser à la maison par les plus jeunes. On pourrait mentionner la confection de mini-paniers de basket avec une paire de chaussettes ou les parcours de billes !
Au niveau religieux, le confinement n’a pas été l’occasion pour moi de me poser plus de questions par rapport à l’existence de Dieu. Je suis un croyant en l’Histoire et en l’humanité, tout en étant admiratif envers celles et ceux qui croient en Dieu. Baptisé protestant, je m’engage volontiers avec les autres scouts dans le soutien logistique pour la reprise des messes dans nos paroisses.
Si les contacts humains ont été un peu réduits en termes de quantité pour moi, en revanche ils n’ont pas forcément perdu en termes de qualité ! Finalement, ce sont surtout les profs qui m’ont le plus manqué !

J’ai vécu ce temps de confinement très sereinement. Face à un danger mortel comme le coronavirus, je n’ai pas eu peur de la mort : je suis prête, j’ai fait ma vie. Le confinement m’a donné beaucoup de temps pour la réflexion, la lecture, le retour à l’essentiel. Dans toute épreuve, il y a quelque chose de bon à prendre. Cependant, le contact avec les amis m’a manqué : malgré mon âge, j’ai encore une vie sociale assez active. De plus, mon mari a perdu son frère durant cette période. Nous n’avons pas pu participer à l’enterrement, c’était dur.
J’ai vécu ma relation avec Dieu différemment. La messe est au cœur de cette relation, c’est ma nourriture spirituelle. J’avais hâte de retourner à l’église Saint-Maurice. En attendant, avec mon mari, nous avons regardé la messe à la télévision sur France 2. Ma relation aux autres a changé à travers certains gestes de solidarité. Au début du confinement, mon mari a rencontré un voisin qui lui a proposé de faire nos courses. Jusque-là, je n’entretenais avec ce monsieur que des rapports de voisinage, sans plus. Il nous a apporté les courses chaque semaine pendant deux mois ! Lorsque je sortais me promener, beaucoup de gens me saluaient, me demandaient comment j’allais. Dans mon petit quartier de l’Auge, j’ai vraiment eu l’impression qu’on avait le souci les uns des autres.

Etre confiné n’est pas compliqué pour des moniales ! Plus difficile, le climat d’incertitude engendré par la situation. Notre communauté est formée en majorité de sœurs âgées et fragiles. Je suis à la fois responsable et infirmière. Ce fut un gros souci, beaucoup d’angoisses à écouter et à accueillir, et les miennes aussi à gérer, surtout au début.
Nous n’avions plus d’eucharistie, et vivre notre liturgie des Heures sans pouvoir la partager a été un appauvrissement. Pourtant, l’expérience de communion en a été largement renforcée. Pour l’ensemble de la commun-auté, ce temps a renouvelé notre conscience de l’Église corps du Christ où les membres ne font qu’un en lui. C’est donc toute l’humanité souffrante qui a pris beaucoup de place dans notre intercession.
Le fait de ne pas pouvoir communier a été très diver-sement vécu. Un réel manque pour plusieurs mais, personnellement, cela ne m’a pas manqué. La présence de Dieu au cœur de ma vie demeure offerte, quelles que soient les circonstances. Dieu se donne totalement, par sa Parole, par les autres et au cœur des événements. Il ne limite pas sa Présence ni les moyens de se donner. Présence qui a été et demeure un roc sur lequel m’appuyer.
Au début, j’étais inquiète en pensant que certaines sœurs ou moi-même pouvions y laisser notre vie. Cela m’a permis de me reposer la question du but de l’existence. Nous ne sommes pas ici de manière définitive, mais appelées à la vie éternelle, une vie éternelle déjà commencée. Alors pourquoi craindre ? La mort est aboutissement et début. Nos communautés ne sont pas un but, mais un moyen, et nos vies un passage. Finalement, peu importe le moment de la mort. Elle fait partie intégrante de la vie.
Au cœur de ce temps de souffrances et d’inquiétude face à l’avenir incertain, Dieu poursuit son œuvre d’amour et de don dans un quotidien exigeant et quelque peu chamboulé.
Jésus, le Ressuscité du matin de Pâques, nous rejoint sur tous nos chemins d’Emmaüs.
A nous de le prier : « Reste avec nous Seigneur. » D’une façon ou d’une autre, il rompt pour nous le Pain. C’est ma certitude et ma joie.

Je m’appelle Alexia * et je suis maman d’une petite fille. Je souffre de maladies quelque peu invalidantes et je suis une personne à risque. J’ai vécu mon travail de vendeuse dans un magasin d’alimentation, un nouveau travail, avec une grande angoisse, mais c’est mon gagne-pain. Le stress, la peur ont été mon quotidien.
Des journées de dix heures, avec une pause d’une heure, ont jalonné ces 10 semaines de crise. Les informations concernant les enfants ont été également contradictoires. Comme maman, mes sorties presque quotidiennes dans les transports publics et les contacts avec les clients furent source d’inquiétudes. Même avec toutes les mesures sanitaires, j’étais susceptible d’être contaminée. La désinfection systématique des mains, le masque, sans l’usage des gants, furent des mesures que j’ai appliquées avec rigueur. L’affiche sur la porte d’entrée était claire : une personne à la fois ! Les clients eurent des comportements forts divers. Certaines personnes étaient souriantes, polies et très reconnaissantes, notamment par l’offrande de fleurs ou le temps partagé pour un café, mais d’autres étaient malhonnêtes et très énervées. Les produits de première nécessité et l’alimentation furent toujours disponibles pour la population. Ce service et la reconnaissance reçue m’ont motivée.
Et, comme je le dis, Dieu m’a protégée.

Je dois dire d’emblée que j’ai eu la joie d’avoir trois messes durant cette crise. C’était très chaleureux. En effet, la direction a imaginé des messes au balcon ; nous étions à la fenêtre puis au jardin à bonne distance. J’ai tout de même été privilégiée, avec un confinement strict, comme les repas dans la chambre, mais avec des petites promenades devant chez moi. J’ai pu voir mes trois enfants, mes trois petits-enfants et arrières-petits-enfants à travers une vitre. C’était très émouvant et impressionnant. J’ai eu l’occasion de parler au téléphone avec mes filles tous les jours. Je me suis sentie un peu seule, mais bien accompagnée. Je peux dire que le personnel s’est très bien occupé de nous. Je ne peux dire que du bien !
Je peux désormais revoir ma famille, faire des exercices et même peler à nouveau les légumes, car je suis encore dans la course. Enfin, j’ai pu suivre les messes du Pape à la télévision, ou sur KTO. La prière fut un grand soutien. Ici j’ai tout ce qu’il faut et je me sens comme à la maison. Serrer à nouveau mes enfants dans les bras fut une immense joie. Ma fille dit en riant que je vais tous les enterrer. Je suis positive.

Durant la période de confinement, nous avons chacun continué nos activités professionnelles, en allant travailler à l’hôpital et en continuant l’enseignement scolaire des enfants à distance. Nous avons vécu ce temps de manière positive mais avons dû toutefois créer quelques adaptations au quotidien.
Notre engagement pour l’Église a été touché de plein fouet, parce que nous sommes responsables d’un camp vocation qui devait se dérouler la semaine après Pâques.
La décision d’annuler le camp, alors qu’il était déjà presque entièrement préparé, nous
a rendus tristes, d’autant plus que c’était notre dernier camp comme responsables, avant de passer le flambeau. Mais la suite des évènements et des décisions politiques nous a montré qu’il n’y avait pas d’autre alternative. Nous avons également annulé la participation à des messes, durant lesquelles nous devions chanter.
Ce qui nous a peut-être le plus marqués, c’est l’impact qu’a eu le confinement sur la façon de vivre notre foi. Nous avons suivi les excellentes propositions faites pour vivre une montée vers Pâques à la maison, ce fut un beau temps de partage en famille. Nous avons suivi les messes via la télévision ou la chaîne youtube ; notre fille de 2 ans et demi a bien compris les choses et restait très attentive.
Durant ce temps, nous avons également eu l’envie de lire la Bible, mais c’est assez difficile de le faire sans savoir par où commencer, le texte est vaste et dense. Avec le plaisir de retrouver des amis et de vivre ensemble les eucharisties, nous avons envie de garder cette idée, d’approfondir notre relation à Dieu par la lecture de l’Écriture sainte, chez soi et pour soi.