Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, paroisse Saint-Laurent Estavayer (FR), juillet-août 2020
Photos: André Bise, Georges Losey
Nous avons demandé aux trois prêtres de l’équipe pastorale – l’abbé Lukasz, curé-modérateur et les abbés Julien et Bernard, vicaires – de dire comment ils ont vécu cette période spéciale du confinement et comment ils ont pu, tant bien que mal, exercer leur rôle de prêtre durant ce temps difficile.
Que dire de cette période de grâce et de non-grâce ? Au début, c’était un peu compliqué, car nous n’avions pas beaucoup d’informations sur ce que nous devions faire. Mais le plus important était de savoir comment faire fonctionner notre Eglise durant cette période. C’est d’ailleurs la première question que nous nous sommes posée. Pour nous, les prêtres, cette période fut très spéciale car c’était la première fois dans notre vie sacerdotale que nous étions « bloqués » dans notre pastorale.
Enfin du temps !
Pour moi, qu’on appelle le curé « courant d’air », car très souvent pressé – c’est un peu ma nature chaotique… et qui souhaite être partout où l’on me demande – j’ai eu l’impression d’avoir du temps ! J’en ai profité pour me rapprocher de la nature en faisant des balades durant lesquelles je priais ou méditais et qui m’ont permis de rencontrer (de loin ! ) quelques paroissiens dans les villages que je traversais. J’ai aussi lu ou relu des livres qui me tiennent à cœur. Ce fut une sorte de retraite spirituelle. Aujourd’hui, j’ai l’impression de vivre avec mes deux poumons !
Ce fut également une continuation de travail sacramentel et administratif, mais d’une autre manière. Au début, les adorations du Saint Sacrement, les messes dites sine populo dans les églises de la paroisse. Puis, nous avons accueilli au maximum 5 personnes par messe. De nombreux contacts se sont établis via des appels téléphoniques. J’ai aussi coopéré à la rédaction des feuillets dominicaux et d’autres affiches me permettaient de faire savoir à nos paroissiens que nous étions à leur disposition et que nous les portions dans nos cœurs par la prière et par nos pensées.
Des moments difficiles : les funérailles
Le plus difficile pour moi furent les célébrations des funérailles. Ce n’était pas uniquement pour les cérémonies, même si elles étaient dépouillées de quelques beaux rituels, mais par rapport aux familles qui ont dû vivre leur deuil sans être suffisamment entourées de proches, d’amis, de voisins.
Je crois fermement que le Seigneur n’est pas responsable de ce qui s’est passé, mais il nous a envoyé un signe pour nous faire réfléchir à notre vie et nous aider à comprendre certaines choses.
Tout événement dans la vie de foi peut se résumer à cette phrase de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus : « Tout est grâce. » Oui, pour le chrétien, il n’y aura jamais de hasard, mais rien que des occasions de grâce et de providence.
Ainsi mes yeux de foi m’ont permis de voir et de vivre ce temps de confinement comme un temps de grâce constitué essentiellement pour moi de cœur à cœur avec mon Dieu et de communion avec les paroissiens.
En effet, chaque matin, après ma rencontre personnelle avec le Seigneur à travers les offices, je me suis rendu seul dans l’une de nos églises pour le sacrifice eucharistique où j’ai confié à la protection de Dieu les paroissiens, les malades et à sa miséricorde inépuisable les personnes décédées du coronavirus. La force intérieure reçue à la source de cette eucharistie m’a porté irrésistiblement vers mes frères paroissiens à travers les outils techniques utiles dans une telle circonstance.
Ainsi après la messe, je faisais quelques appels téléphoniques pour saluer et encourager certains dans la communion et la persévérance dans la prière. Dieu étant le seul recours sûr qui peut nous délivrer de ce mal, comme nous le dit Jésus lui-même : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire. », Jn 15, 5 Par ailleurs, d’autres activités ont aussi meublé mon temps de grâce. J’en ai profité par exemple pour me documenter sur plusieurs sujets à travers lectures et recherches personnelles, et m’atteler aussi à mes tâches quotidiennes comme l’apprêt du repas, le ménage, les vidéoconférences, le sport et la prière du chapelet. En somme autant d’occupations légitimes qui remplissaient utilement mes journées.
Cependant j’ai regretté, comme la plupart de mes confrères prêtres, les rencontres vives et chaleureuses avec mes mamans de Cheyres, les mardis, autour du café après la messe et celles de Murist à la cafétéria de la sacristie après la messe du mercredi. Rien ne pouvait remplacer ces beaux moments de partage, creuset de fraternité et de joie que j’espère revivre très bientôt. Je garde toujours cet espoir de revoir tous ces visages bientôt.
Les yeux fixés sur Jésus Ressuscité, l’unique cause de notre espérance, comme jadis les disciples, gardons toujours nos cœurs ouverts à la nouvelle pentecôte où l’Esprit Saint viendra raviver en nous la flamme du retour à la vie.
Le coronavirus m’a imposé une nouvelle façon de vivre. Un dur moment pour moi personnellement. Après une sortie d’hiver particulièrement rude, je pensais retrouver une vie normale, ne pas supporter le froid et voilà que le COVID-19 impose une nouvelle forme de vie : le confinement, vivre cloîtré chez soi. Oui le COVID-19 m’a imposé une forme de vie monastique. Ce temps de confinement est difficile à vivre mais plein de choses constructives qui m’ont permis de voir la vie autrement. Avec ce virus, j’ai compris à quel point l’homme est fragile, à quel point nous avons besoin de Dieu. Mais nous sommes tous ressuscités avec le Christ pour chanter Alléluia. Nous avons survécu au COVID-19.
Les messes en privé, les méditations, le chapelet m’ont permis de vivre dans l’intimité du Christ. J’ai grandement profité de ce temps pour faire des lectures personnelles et quelques promenades au bord du lac pour profiter du soleil.
La célébration des enterrements a fait partie de notre quotidien pour soutenir les familles dans ce temps de douleur.
Pour moi, ce temps de confinement est un temps de repos pour reprendre avec force et vivacité les activités quand le coup de cloche sonnera.