Tiré du magazine paroissial L’Essentiel, secteur pastoral de Martigny (VS), juin-juillet-août 2020
Propos recueillis par Pascal Tornay | Photo: DR
Depuis 2003, François Thurre est responsable du secrétariat de Martigny des Syndicats chrétiens interprofessionnels du Valais (SCIV) ainsi que de l’agence régionale de la caisse de chômage OCS. Domicilié à Fully, marié et père de deux grands enfants, il œuvre depuis plus de 20 ans pour la défense des travailleurs de notre canton. Il nous partage ici ses impressions face à la crise sanitaire que nous avons traversée ces derniers temps…
Comment avez-vous vécu la crise sanitaire de ces dernières semaines ?
Ce fut très douloureux pour moi de réaliser à quel point notre société n’était pas prête à faire face à cette épidémie malgré les avertissements du passé. Peut-être qu’étant trop focalisés sur la consommation, nous n’avons pas su – ou pas voulu – prendre le temps de la réflexion et tirer les enseignements du passé.
Qu’est-ce qui a été le plus difficile ?
Dès le 13 mars, à la suite des mesures décrétées, nous avons dû fermer nos bureaux, protéger nos collaborateurs, nous fournir en équipement de protection, organiser le télétravail, tout cela en un temps record ! Poursuivre nos activités au service du monde du travail et répondre à l’avalanche de demandes des entreprises frappées par la réduction de l’horaire de travail pour le versement des indemnités de chômage sont devenus la priorité. Heureusement, nous avons pu compter sur la disponibilité et l’engagement sans faille de nos collaboratrices-teurs à qui, je dis bravo et un grand merci.
A quels bouleversements faut-il s’attendre, concrètement, à moyen terme sur le marché du travail ?
Aucun ! Je sais que ma réponse va choquer et j’espère sincèrement que l’avenir me donnera tort. Cependant, lorsque l’on prend le temps de regarder dans le rétroviseur, force est de constater que les crises économiques se suivent… Une fois la tempête traversée, l’économie reprend toujours ses droits. Produire pour pouvoir consommer et consommer pour pouvoir produire à nouveau. Le modèle économique que nous avons choisi et que nous continuons à alimenter par notre surconsommation assouvit notre avidité en épuisant les ressources de la planète et rejette, chaque année, de plus en plus de laissés-pour-compte au bord de l’autoroute du progrès.
Que vous a appris cette crise ?
Quelles leçons en tirez-vous à chaud ?
La question des inégalités sociales n’est pas nouvelle, mais elle est aujourd’hui plus que jamais exacerbée par la pandémie. Comment est-il encore possible, au XXIe siècle, que des êtres humains se réveillent le matin en ne sachant pas ce qu’ils vont manger le soir ou encore qu’en Suisse, au mois d’avril 2020, la justice ait condamné pour la première fois un entrepreneur reconnu coupable de traite d’êtres humains ? C’est inacceptable ! L’arrêt forcé que nous subissons doit nous permettre de faire le point sur nos vies. Il est temps pour nous de saisir cette opportunité pour oser le changement, penser développement durable, privilégier les produits régionaux, consommer moins mais mieux, tendre la main à notre prochain d’ici et d’ailleurs.
Comment les valeurs chrétiennes impactent-elles votre travail au quotidien ?
Les fondateurs de notre organisation ont basé leur action au service du monde du travail sur les encycliques et la doctrine sociale de l’Eglise. Aujourd’hui, les valeurs fondamentales qui animaient nos pairs – remettre l’homme au centre de toutes préoccupations indépendamment de son origine, de sa couleur ou de sa religion – demeurent le moteur de nos actions de tous les jours. « Les peuples briseront leurs épées pour en faire des socs de charrue et leurs lances pour en faire des faucilles. Les nations ne lèveront plus l’épée l’une contre l’autre et on n’apprendra plus à faire la guerre » avait dit le prophète Michée (4, 3). La voie est tracée depuis fort longtemps, il nous suffit de faire le premier pas, les autres suivront.